part &, coll. Extractions (dir. Chloé Delaume), éd. Joca Seria, 2011 | : pages 2-5 ; pages 62-67; pages 92-95 | Interprétation de la première partition, Pannonica, Nantes, 2011 (28:14)
 
 

13 x 18,5 cm, 112 pages
978-2-84809-162-4


F.aire L.a Feui||e
2008

Le cow-boy et le poète
2011

De la rose et du renard, (...)
2012
 

Critiques


Dominique Quélen pour Cahier Critique de Poésie n°23

Anne Kawala affole la lecture avec sa langue qui tangue, mais aussi avec rigueur, depuis F.aire L.a F.eui||e (majuscules car chaque avancée dans le texte est une entame et la surprise est constante). Ici en deux volumes composés chacun selon une structure en diptyque, elle joue de toutes les possibilités de la page comme espace et comme temps. Part & franchit la ligne médiane, Le cow-boy et le poète la trace verticalement sans jamais la traverser sinon que les deux voix (et le CD qui accompagne le livre en rend l’idée sensible) se chevauchant par homophonie et paronomase, le plaisir étant dans l’écart. En vertu du principe selon lequel la mise en jeu de l’écriture dans son déroulement même est une donnée acquise, elle la renouvelle en en faisant s’emballer les possibilités. Il en résulte des livre à systèmes dépliés en tout sens avec une précision, une invention et une liberté assez sternienne. Tantôt elle retrouve un usage ancien du codex (texte centré, encadré de commentaires), tantôt elle violente les sens, assuamnt dans Part & l’illisible, l’à peine déchiffrable, voire la perte du texte entre les deux pages - ou du sexe de la Femme au perroquet de Courbet, le pli de l’aine épousant celui du livre. Avec humour et violence aussi elle manie ses effets, un “coinçage de bite” d’un côté, de l’autre une Winchester nommée “Jack Spicer” - l’auteur de Billy The Kid. Car Anne Kawala, à l’instar de Jack Spicer, s’appuie sur des genres chargés en mythes, sur des univers déjà structurés comme des langages, clichés compris. Son travail, à partir de ces codes parfois usés (et plus ils le sont, mieux c’est ), western ou roman d’amour, consiste à produire une langue double, tantôt agglutinant, tantôt disjoignant les objets qu’elle attrape et malaxe en chevauchépris, en bicherffraie, : autant de chimères accédant à la vie au sein de ruines, où, comme dans la maisonnette du tableau de Friedrich reproduit dans Part &, se niche, par une association phorétique, l’auteur.


Les doigts dans la prose (éditeur)

Part & d’Anne Kawala est à mes yeux le moment représentatif de ce désir d’expérimentation qui rend précieuse, chez joca seria, la collection extraction – au risque indispensable de frapper de confusion le discours critique tout en condamnant l’oeuvre au silence, c’est-à-dire : aux lecteurs.

Installation


Sous forme de vitrine-poésie, à l'invitation de la galerie en 2010

 
     

Adaptation

part & avec Bérangère Maximin (compositrice électro-acousticienne) pour la femme et la note (prod. Th. Baumgarten, France Culture, 2009)

A propos

La quatrième de couverture présente ce livre comme suit : Objet-livre, livre-objet, Part & se lit de part et d’autres, nous plongeant dans une expérience de lecture baroque. Le travail d’écriture, d’installation et de montage au creux de pages abolissant toutes conventions et vis-à-vis. Le cerffraie et la bicherf, protagonistes changeants, chimériques, errent ainsi au fil des pages et des histoires d’amour. Le point de vue de chacun transforme les possibles et les discours, les sentiments et les perceptions. De gauche à droite, de droite à gauche, ou bien lues indépendamment d’un seul côté, les pages délivrent leurs tableaux vivants, portraits et poursuite forestière. Par sa mise en scène des faits et ressentis, Part & est une histoire d’amour où le lecteur s’implique, délaissant tout principe d’innocence. Comme F.aire L.a F.eui||e, Part & s’est construit selon une réflexion recoupant des questions liées à la lecture performée (comment disposer d’un matériel qui, étant une partition, laisserait davantage part à l’improvisation ?) et à celle de la lecture d’un livre devenant aussi objet (comment faire un livre qui aurait dans sa linéarité narrative plusieurs enchâssements fictionnels et auxquels répondraient, dans l’espace de la page, plusieurs types de formats, et notamment celui portrait et celui paysage ?) Le principe choisi a donc été d’écrire trois partitions comme trois livres.

Les deux premières sont construites dans un format de page dit en portrait. Chacune de ces deux parties met en jeu le point de vue d’un personnage différent. L’une ne compte que les pages gauches du livre, justifié à droite. En vis à vis, l’autre compte les pages droites du livre, justifié à gauche. Additionnant deux pages-portrait s’obtient un format de page dit paysage, ou encore à l’italienne. Ici, par glissement sémantique est convoqué architecturalement le théâtre à l’italienne et sa quasi-circularité : à l’instar de la construction du livre l’histoire devient gyropharico-chimérique, lisible passant d’une page à l’autre, exigeant du lecteur un lâché-prise, qu’il suive ses inclinaisons (telle que l’est, la scène de tels théâtres). Mais dans par ce même glissement, intervient les présupposés de la comedia dell’arte. Là où le rire prenait sa source dans la confrontation de différents dialectes, la transposition ici se fait sur différents niveaux de langues et registres d’écritures (avec une attention particulière portée à la distortion de la ponctuation et à la syntaxe grammaticale, ou : comment et jusqu’à quel point est-il possible de renverser la construction du phrasé ?) Les regards des deux personnages, mêlés et disjoints en permanence, créent cette tension tragicoburlesque propre aux pseudo-complications d’une histoire d’amour. Enfin, l’implication du spectateur-lecteur, par le choix même de son chemin de lecture réfère à la capacité du public à pouvoir incliner la représentation selon ses désirs.